Inquiétudes
Les alertes se multiplient dans un pays malade et désorienté. Une révision constitutionnelle qui enlise la réflexion dans un débat dont l’importance symbolique ne justifie, ni la durée, ni les gesticulations grandiloquentes et partisanes. Un remaniement ministériel de compromis et de calculs aussi éloignés de la réalité qu’inutiles.
Des petits agriculteurs terrassés, rattrapés par les conséquences de décennies de politiques nationales et syndicales aveugles aux réalités du marché et du Monde, convaincues de pouvoir éternellement compenser mal production et surproduction par des subventions, privilégiant la quantité à la qualité, oublieuses de la nécessité de groupements, de circuits courts et d’innovation.
Nos compatriotes qui soutiennent la révolte agricole à 78%, mais qui restent paradoxalement aimantés au moindre prix et acceptent sans révulsion la course effrénée de la grande distribution aux « prix bas » qu’elle associe à un « bonheur » de pacotille. La misère syrienne, libyenne, soudanaise ou afghane, qui nous affole par les réfugiés qu’elle génère, malgré leur faible nombre (0,02 % de la population européenne en 2015, essentiellement reçus par l’Allemagne, et 0,0005 % de la population française pour ce que nous avons officiellement accepté d’accueillir !).
La contestation incroyable (600 000 signataires en 15 jours !) d’un projet de réforme, à minima, d’un code du travail aussi complexe qu’obsolète, et dont seule une idéologie bornée (ou calculatrice) justifie le maintien en l’état. Des syndicats dramatiquement non représentatifs, qui s’arc-boutent aveuglement sur leurs privilèges de « partenaires sociaux » et des revendications irréalistes que seul le chantage crédibilise.
Une classe politique qui confond, pour la plupart de ses membres, verbe et action, courage et marketing démagogique. Qui fait le choix facile du détail, ou des révoltes « groupusculaires » (transport de personnes, portiques, aéroport régional, barrage, réforme de l’orthographe,…) qu’elle monte en épingle sans savoir les résoudre justement, pour s’affranchir de l’essentiel qu’elle n’a pas la capacité de comprendre. Une Union Européenne, à reconstruire, qui se délite entre égoïsmes et nationalismes, et dont aucune grande voix ne rappelle l’impérieuse nécessité, les extraordinaires réalisations, le rôle incontournable dans la construction d’un futur paisible et souverain.
Corporatismes, nationalismes, idéologies politiques et religieuses, débordent l’intelligence, la raison et le bons sens. La peur et le repli sur soi prennent insidieusement le pas sur la confiance, l’espoir et la reconnaissance simple de l’extraordinaire chance et du potentiel unique de notre organisation politique et sociale, nationale et européenne, des valeurs qui nous fondent.
Notre pays fait preuve d’une étonnante et paradoxale schizophrénie, à la fois conservateur, voire passéiste, en ne voulant rien perdre de ses avantages et privilèges, de ses « acquis sociaux » devenus des chèques sans provisions, mais également révolutionnaire par sa contestation permanente, individuelle et collective, de la Loi et de l’autorité de l’Etat. Un pays dont le corps social a su se manifester exceptionnellement au lendemain des attentats, mais qui ne semble habituellement s’exprimer que pour célébrer des terrains de jeu artificiels et des gamins mal élevés dont il ne veut pas voir les gains indécents.
Sommes nous condamnés à une décadence momentanément douce, entre du pain (abondant et bon marché), des jeux (qui nous donnent une illusion d’appartenance facile), et l’abandon de la pensée politique et sociale à des professionnels ou idéologues dont le simplisme ou l’assurance nous endorment. Plutôt que d’arriver à nous réformer, devront nous attendre le chaos annoncé pour espérer voir naître un ordre moderne et juste, au risque qu’il soit « Nouveau » ?